Un article de Tiphaine Galliez, consultante Pôle Innovation Managériale chez Great Place To Work
Face au nouveau paradigme dessiné par l’automatisation et l’intelligence artificielle, les organisations sont confrontées à des enjeux d’employabilité et de développement des compétences. En parallèle, elles doivent relever de nombreux défis en lien avec la qualité de vie au travail, l’engagement de leurs collaborateurs et plus largement de leurs parties prenantes, en mesurant leur impact et en définissant les contours de leur raison d’être.
Activer le levier de l’organisation apprenante et le potentiel des collaborateurs
Ce contexte d’incertitude impacte directement les collaborateurs. 50% des salariés français et 75% des dirigeants estiment ainsi que l’automatisation ou l’intelligence artificielle redéfiniront les métiers de leur entreprise[1]. Selon le dernier Trust Barometer[2], 83% des collaborateurs interrogés ont peur de perdre leur emploi, notamment à cause du manque de formation ou de compétences (58%).
En parallèle, on observe que les modes de gouvernance centralisés ne fonctionnent plus. Les collaborateurs relocalisent leur confiance au profit d’experts mais aussi de pairs. 73% des collaborateurs s’attendent par exemple à être mobilisés directement sur la définition des axes prospectifs de leurs organisations. Pour 61% d’entre eux, un collaborateur qui leur ressemble est une source très crédible (contre 44% vis-à-vis d’un comité de direction)[3].
Chez Great Place To Work®, nous sommes convaincus que les organisations ont besoin d’un nouveau paradigme. Les valeurs portées par l’organisation sont les fondations de l’expérience collaborateur : combinées à un leadership efficace, elles créent une culture de confiance et poussent chacun à développer pleinement son potentiel, nourrissant l’innovation et la croissance financière de l’organisation, qui peut ainsi renforcer son impact sociétal positif. L’inclusion et l’ « empowerment » des collaborateurs sont ainsi deux leviers fondamentaux.
L'organisation dite « apprenante » se distingue par sa capacité à réorganiser et à combiner ses ressources et ses compétences, mais aussi à les renouveler pour faire face à l’incertitude. Les collaborateurs sont alors acteurs de leur propre transformation, et de celle de l’organisation.
Ce type d’organisation s’inspire des principes de Peter Senge dans Cinquième discipline (1990) :
- Les modèles mentaux : apprendre à nous défaire de nos préjugés (« ce n’est pas mon rôle », « de prendre des décisions » ou « on a toujours fait comme cela »)
- La maîtrise personnelle : approfondir et clarifier notre approche des choses à l’échelle individuelle puisque la capacité et la vocation à apprendre d’une organisation ne peuvent être plus grandes que celles de ses membres
- La vision partagée : savoir relier des individus ensemble - chaque partie prenante de l’organisation connaît et accepte la vision, les moyens pour y arriver, son rôle pour se sentir responsable à son échelle de la bonne transformation de l’organisation
- L’apprenance en équipe : favoriser la réflexion collective par le dialogue soit « l’expression libre au sein d’un groupe, dans le but de révéler des pensées qui n’auraient pu l’être par un individu seul » (définition de dialogos en grec ancien)
- La pensée systémique : voir les problèmes dans leur ensemble, penser au système et aux interactions possibles dans chaque étape des projets de transformation
L’ « apprenance » au cœur des pratiques des great places to work
L’enquête collaborateur Trust Index© a permis de mesurer le degré d’ « apprenance » des organisations grâce à l’observation de 4 indicateurs clés :
- responsabilisation et droit à l’erreur
- investissement
- reconnaissance
- ressources
Une question plus globale est également utilisée pour réaliser l’analyse : « Les collaborateurs s’adaptent rapidement aux changements nécessaires au succès de notre entreprise ».
On observe que les Best Workplaces performent particulièrement sur les indicateurs en lien avec l’apprenance et l’agilité : 84% de leurs collaborateurs déclarent ainsi s’adapter plus rapidement aux changements nécessaires au succès de leur entreprise (vs. 58% des salariés français). Ces organisations se démarquent en particulier sur les facteurs liés à la responsabilisation, à l’association aux décisions et au droit à l’erreur
Afin de proposer une analyse encore plus fine, Great Place To Work® va ajouter de nouvelles questions dans son enquête. Ces dernières rendront compte :
- Du degré d’innovation et de spontanéité des comportements individuels au-delà des rôles prescrits – l’un des trois leviers essentiels d’efficacité organisationnelle (Katz – 1964).
- Du potentiel désalignement entre inspiration individuelle et connexion organisationnelle – ce qui peut amener à du surengagement ou du cynisme.
Quelles pratiques managériales pour construire une organisation apprenante ?
Construire une organisation apprenante remet en question les principes traditionnels de management. Il ne s’agit pas de compter uniquement sur chacun, mais bien de proposer un cadre propice aux collaborateurs. Conseil et Recherche, dans son livre blanc sur l’intrapreneuriat, distingue 4 types de profils : l’explorateur / créateur de valeur, le chercheur de sens, le bâtisseur, l’aventurier (en savoir plus sur les 4 profils).
Une fois les attentes, forces et points d’attention identifiés, le management doit consolider ses pratiques sur les mêmes thématiques observées dans le Trust Index© (responsabilisation et droit à l’erreur, investissement, reconnaissance et ressources).
Concrètement, cela peut se traduire par la mise en place d’un management par objectifs qui laisse de l’autonomie aux collaborateurs quant aux moyens employés. Les managers peuvent également s’attacher à récompenser la participation de chacun et à formuler des feedbacks à tous les contributeurs, peu importe le résultat (voir notre article sur le feedback). Il est également important de reconnaître la valeur créée par chacun : pour cela, ils peuvent s’appuyer sur des indicateurs à la fois quantitatifs et qualitatifs (notamment les nouvelles compétences développées). L’implication de toutes les parties prenantes à 360° est également un enjeu clé.
Le management doit enfin s’assurer que les moyens sont présents pour que le cadre puisse être implémenté (outils, formations et mentoring, soutien des managers intermédiaires). Pour que la gestion de l’incertitude et la transformation de l’organisation ne soient pas synonymes de fuite en avant, il est essentiel d’accompagner les collaborateurs et de rappeler régulièrement les limites afin d’éviter tout risque de surengagement (voir notre article sur le surengagement). Cette situation est particulièrement d’actualité puisque les salariés français sont en retrait sur la plupart des facteurs de l’organisation apprenante mais dans une moindre mesure sur les facteurs liés à leur investissement.
Best Workplaces : leurs pratiques inspirantes
La ruche du Labs chez Talan permet departager les expertises de chacun, de s'entraîner à parler en public et surtout de créer du lien entre les collaborateurs. La ruche s’organise tous les mois durant une journée complète. A l’image des abeilles solidaires qui butinent pour un objectif commun, la ruche du Labs fait appel à chacun des collaborateurs pour construire cette journée. Les sujets sont proposés puis votés par tous.
Le co-développement est un processus d’animation de groupe basé sur l’intelligence collective. Il permet d’aborder des problématiques vécues et de faire émerger des solutions et des pistes de résolutions de problème. Il permet aux participants d’apprendre à être plus efficaces, à aider et se faire aider en mobilisant l’écoute active.
Les Communautés Métiers chez Extia ont rassemblé, depuis leur création en 2015, 3 500 participants et 336 speakers (dont 148 externes) lors de 240 Meetups, autour de 25 communautés sur des thèmes techniques et transverses. Au-delà d’un objectif de partage d’expérience et de réseautage, les Communautés Métiers constituent de véritables pôles d’expertise et d’innovation pour l’ensemble de l’écosystème Extia.